Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Jules Barbey d'Aurevilly. «Les Diaboliques» est un recueil de six nouvelles parues entre 1850 et 1874: «Le rideau cramoisi», «Le plus bel amour de Don Juan», «Le bonheur dans le crime», «Le dessous de cartes d'une partie de whist», «À un dîner d'athées» et «La vengeance d'une femme». Croyant à l'ingérence du diable dans toutes les affaires humaines, l'auteur y raconte six cas de perversion morale propres à confirmer sa thèse. Notons que l'esprit du mal s'y incarne toujours dans une femme et que le crime y est toujours sans punition et sans remords. Comme chez Baudelaire, Gobineau ou Villiers de L'Isle Adam, une forme de mystère fait ici bon ménage avec un certain réalisme fin de siècle et un art consommé du récit court soutient l'intérêt du lecteur.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Jules Barbey d'Aurevilly. Un voyageur arrive au cabaret du Taureau rouge placé à l'orée de la lande de Lessay, en Normandie. Il y rencontre un fermier cossu, maître Tennebourg, qui connaît la lande par coeur. Et pourtant, cette lande familière demeure toujours quelque part inconnue. Hormis le ululement de la chouette, qui est également le cri de ralliement des Chouans, on n'entend rien. Les deux hommes marchent, un épais brouillard les entoure. Soudain les cloches de Blanchelande résonnent dans la nuit. C'est alors que maître Tennebourg se met à raconter à son compagnon l'histoire de l'abbé de La Croix-Jugan, engagé dans la révolte des Chouans, et de Jeanne-Madelaine de Feuardent, épouse de maître Thomas le Hardouey, "l'ensorcelée"... La beauté du texte, l'impression quasi physique de la lande, l'accent dramatique du récit qui mêle amour, politique, sorcellerie et mysticisme, donne à ce chef-d'oeuvre de Barbey d'Aurevilly une résonance exceptionnelle.
«Ôtez le Dandy, que reste-t-il de Brummell ? Il n'était propre à être rien de plus, mais aussi rien de moins que le plus grand Dandy de son temps et de tous les temps. Il le fut exactement, purement; on dirait presque naïvement, si l'on osait. Dans le pêle-mêle social qu'on appelle une société par politesse, presque toujours la destinée est plus grande que les facultés, ou les facultés supérieures à la destinée. Mais pour lui, pour Brummell, chose rare, il y eut accord entre la nature et le destin, entre le génie et la fortune. Plus spirituel ou plus passionné, c'était Sheridan; plus grand poète (car il fut poète), c'était lord Byron; plus grand seigneur, c'était lord Yarmouth ou Byron encore: Yarmouth, Byron, Sheridan, et tant d'autres de cette époque, fameux dans tous les genres de gloire, qui furent Dandys, mais quelque chose de plus. Brummell n'eut point ce quelque chose qui était, chez les uns, de la passion ou du génie, chez les autres une haute naissance, une immense fortune. Il gagna à cette indigence; car, réduit à la seule force de ce qui le distingua, il s'éleva au rang d'une chose: il fut le Dandysme même.» - Barbey d'Aurevilly.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Jules Barbey d'Aurevilly. "Une histoire sans nom" est sans doute le chef-d'oeuvre de l'auteur des "Diaboliques". Les deux romans relèvent d'ailleurs de la même veine. Le récit débute avant la Révolution, dans une petite ville du Forez. C'est le temps de Carême et le père Riculf est venu prêcher dans la bourgade. Il est hébergé chez la baronne de Ferjol, veuve et fervente catholique dont la religion a tourné à la bigoterie rigoriste. Mère dominatrice, elle vit seule avec sa fille unique, Lasthénie. Le prêtre disparaît mystérieusement le samedi saint. Peu après, Lasthénie commence à souffrir de malaises. Mme de Ferjol réalise que sa fille a été déshonorée. Celle-ci est enceinte mais, ayant été violée au cours d'une crise de somnambulisme par le prêtre infâme, elle ne peut dire qui l'a séduite et qui lui a volé en même temps la bague de famille qu'elle portait au doigt. Elle met au monde un enfant mort puis se suicide en s'enfonçant des épingles dans la région du coeur. À la faveur de la Révolution, le prêtre devient un chef de bande terroriste. On le retrouve plus tard agonisant, désespéré, la main coupée. Mme de Ferjol récupère la bague volée et tourmente l'ancien prêtre jusqu'à sa mort. Barbey d'Aurevilly a su allier dans ce roman envoûtant les deux grandes formes de son art: le roman pittoresque et le roman psychologique. Le personnage de Lasthénie a d'ailleurs donné son nom à un syndrome décrit en psychiatrie: le "Syndrome de Lasthénie de Ferjol", une pathomimie dans laquelle la patiente développe une anémie par des hémorragies qu'elle se provoque elle-même. "Une histoire sans nom" est suivi dans ce volume de trois nouvelles: "Une page d'Histoire" où l'on retrouve les thèmes de la beauté et du mal, du secret et du crime, "Le Cachet d'Onyx" qui se conclue par un dîner d'athées (comme dans "Les Diaboliques"), et "Léa", une histoire d'amour impossible entre le narrateur et une jeune fille malade et épuisée.